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Le canal de Nicaragua n’aura pas lieu

Lancé en grande pompe en 2014, le projet de percement d’un canal reliant Atlantique a semble-t-il pris l’eau. Opposition des populations locales, disparition du principal investisseur, le canal transocéanique, rêvé depuis le 19e siècle, semble aujourd’hui condamné.

Le canal de Nicaragua n'aura pas lieu

 

Il y a tout juste 150 ans, cette musique triomphale de Verdi résonnait dans l’opéra flambant neuf du Caire, célébrant l’ouverture du Canal de Suez et le triomphe de la modernité. Cette prouesse d’ingénierie, visant à relier la mer Rouge à la Méditerranée, avait été possible non seulement grâce à l’entêtement de Ferdinand de Lesseps, à l’origine du projet, mais aussi grâce au soutien de son ami, l’empereur Napoléon III.

Mais ce que l’on sait peu, c’est qu’avant d’apporter son concours au projet égyptien, l’empereur s’était intéressé à d’autres propositions, parmi lesquelles celle, bien plus ambitieuse, du percement d’un canal interocéanique au Nicaragua, reliant le Pacifique à l’Atlantique Nord.

Un siècle et demi plus tard, le jeu des puissances a été bouleversé et ce projet titanesque a refait surface, porté cette fois par un ambitieux milliardaire chinois.

Un projet à l’arrêt

Se rêvant en pharaon des temps modernes, le milliardaire Wang Jing, qui a fait fortune dans les télécommunications, avait promis à ses investisseurs et au gouvernement nicaraguayen une pluie d’investissements et des emplois en pagaille. Pour vous donner une idée, le chiffrage initial du projet s’élevait à plus de 40 milliards de dollars, soit plus de trois fois le PIB du pays.

On comprend donc aisément que le président du Nicaragua, Daniel Ortega, ait accueilli à bras ouverts cet investisseur, promettant la création de plusieurs milliers d’emplois dans un pays où 45% de la population se trouve sous le seuil de pauvreté.

C’était aussi une manière pour le pays de prendre une revanche sur son voisin panaméen, qui engrange chaque année plus d’un milliard de dollars grâce à l’exploitation de son canal. D’où la démesure du projet sino-nicaraguayen, promettant de creuser un canal de 278km, soit trois fois la longueur du canal de Panama, et permettant le passage d’immenses porte-conteneurs mesurant jusqu’à 450m de long.

Mais après ces annonces fracassantes et ces inaugurations en grande pompe, le projet semble aujourd’hui au point mort.

La population contre le canal

Bien loin de se réjouir du prétendu miracle économique que constituerait un projet d’une telle ampleur, une part importante de la population s’inquiète en réalité de son incidence sur leur habitat et sur l’environnement unique de leur pays.

Il faut dire que le projet entend traverser le Nicaragua de part en part, sans véritablement s’occuper de ce qui se trouverait sur son passage. Plus de 30 000 paysans et indigènes ramas et nahuas habitent en effet sur le tracé du futur canal et se retrouveraient donc menacés d’expulsion.

Le canal doit également passer par le lac Cocibolca, plus grande réserve d’eau douce d’Amérique centrale, qui devrait être creusé afin de permettre le passage des nouveaux monstres marins. Cela aurait pour effet de saliniser le bassin, entraînant une destruction irrémédiable de la faune unique de cet écosystème. Les manifestations citoyennes se sont donc multipliées pour dénoncer la démesure d’un projet issu de l’hybris des hommes.

L’hybris du milliardaire disparu

Le milliardaire Wang Jing, s’est tout simplement évanoui dans la nature, quelques mois à peine après le lancement du projet. Il faut dire qu’il a perdu 90% de sa fortune suite au krach boursier qu’a connu la Chine à l’été 2015. Depuis, l’investisseur-fantôme est introuvable et laisse derrière lui un chantier à l’arrêt.

Du côté de l’autorité du Canal pourtant, tout est normal, les travaux avancent lentement mais sûrement… Une version que conteste un certain nombre d’experts interrogés par l’AFP, qui expliquent qu’avec le retrait de l’investisseur chinois et l’incapacité du gouvernement nicaraguayen à poursuivre les travaux, les chances de voir le projet aboutir sont minces.

Et alors que l’on annonçait un temps la reprise en main du projet par les autorités chinoises, celle-ci ont fini par se défiler, préférant investir dans l’économie du voisin panaméen. Pékin a en effet décidé de renouer des relations diplomatiques avec le Panama en juin dernier et entend bien sceller ces nouvelles noces par des accords sonnants et trébuchants. Les deux capitales ont ainsi signé pas moins de 19 accords commerciaux depuis le début de l’année. Le Nicaragua lui, reste avec ses pelles et ses tranchées, bien loin des trompettes de Verdi…

 

Publié le 18 Septembre 2018 par franceculture.fr


https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-de-leco/les-nouvelles-de-leco-du-mardi-25-septembre-2018



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